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Voies royales pour trains de luxe

L’exposition « Royals & Trains », visible jusqu’au 22 janvier de l’an prochain sur le site de Train World à Schaerbeek, présente les trains royaux dans toute leur splendeur et permet de découvrir le lien qui unit la famille royale belge au monde ferroviaire.
 

De la construction de la première ligne ferroviaire en 1835 à aujourd’hui, la famille royale belge a toujours eu une relation particulière avec les trains, et a montré un soutien sans faille au développement des chemins de fer en Belgique et en Europe.
Léopold 1er, qui sera le premier chef d’État au monde à prendre le train, mettra tout en œuvre pour que la Belgique se dote d’un réseau ferroviaire qui placera notre pays dans le peloton de tête des nations industrielles au XIXe siècle, et même au-delà. Cette proximité est aujourd’hui tout aussi forte sous le règne du roi Philippe.
L’exposition permet de découvrir des documents rares relatifs au premier train de Léopold Ier, des véhicules royaux ayant disparu, des plans de construction, les services à thé ou à souper d’Albert Ier et Léopold III, des objets des membres du personnel des convois royaux ainsi que des éléments de la garde-robe de voyage de la reine Astrid...
La vie à bord de ces convois est également abordée, alors que des photos des souverains belges, princes et princesses à bord de ces trains, font revivre le faste de ces voyages royaux. Des mannequins parlants donnent vie à des personnalités marquantes du passé, qui relatent des détails de cette union extraordinaire de manière interactive.
Exceptionnellement, cinq voitures royales sont dévoilées pour la première fois à Train World. Afin de préserver ces voitures de grande valeur, les visiteurs pourront les admirer de l’extérieur, mais pas les traverser. Nous vous les détaillons dans les pages suivantes
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EN VOITURE(S) !
Les Chemins de fer belges conservent dans leurs collections six voitures royales de grande valeur artistique. Trois de ces voitures, construites au début du XXe siècle, ont été utilisées par les rois Léopold II et Albert Ier.

Les trois autres voitures, qui datent de la fin des années 1930, ont servi durant les règnes des rois Léopold III et Baudouin Ier. Utilisés pour les déplacements de nos souverains en Belgique et en Europe, les trains royaux étaient également mis à la disposition des chefs d’État étrangers lors de leurs visites officielles en Belgique.

Deux voitures font partie de l’exposition permanente de Train World. Les trois autres voitures ont été restaurées avec soin spécialement pour cette exposition Royals & Trains. Par manque de place, la sixième voiture n’a malheureusement pas pu être exposée dans le cadre de cette exposition.



La Berline royale, 1901
Cette voiture se compose d’un luxueux salon privé, d’un compartiment-lit avec cabinet de toilette pour le roi, de quatre compartiments-couchettes, d’un local de service et d’une autre pièce pour le chauffage. Les compartiments du roi sont directement accessibles depuis le salon central.
Les décorations et ornements de style Art Nouveau agrémentent les couloirs et les compartiments-lits, tandis que le salon rappelle plutôt le style Louis XVI. Cette berline royale, ou voiture-salon et lit, a été construite par la Compagnie Générale de Construction située à Saint- Denis, près de Paris, et filiale de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits.



La voiture restaurant/conférence, 1905
Cette voiture est composée d’une grande salle à manger et de conférences, d’un local de service, d’un coin lavabo et de toilettes. L’intérieur est de style Louis XVI. Les meubles et les panneaux sont en bois d’acajou poli, ornés de motifs décoratifs en bronze doré et en nacre.
Les sièges, recouverts de cuir, sont rehaussés, tout comme les quatre petites armoires, d’un médaillon dans lequel apparaît le monogramme « A » du roi Albert Ier. Le plafond est recouvert d’une peinture sur toile avec des représentations allégoriques inspirées des plaisirs de la table. L’ensemble est richement décoré de miroirs, tentures et chandeliers en bronze doré.
Cette voiture-restaurant/conférence a été fabriquée par des constructeurs belges.



La voiture salon/restaurant, 1912

Cette voiture comprend un salon luxueux et une petite salle à manger qui prennent la largeur totale de la voiture. Les deux pièces sont contiguës. L’intérieur du salon est de style Art déco, tandis que celui de la salle à manger est d’inspiration Louis XV. Les meubles de la salle à manger sont en chêne massif. Le mobilier du salon est décoré de marqueterie composée de plusieurs essences de bois, ivoire, nacre, etc. Les sièges sont recouverts de tissu ligné. Les plafonds des deux compartiments ont été décorés de peintures sur toile. Le tout est agrémenté de tentures, rosaces de ventilation, cache-radiateurs et luminaires en bronze. Dans l’un des médaillons de décoration de cette voiture figure une enfant dont le visage ressemble à la jeune princesse Marie-José, fille d’Albert Ier. Cette voiture-salon/restaurant a été construite en Belgique.



La voiture salon, 1939

Cette voiture était normalement occupée par le souverain. De larges portes à deux battants, précédées d’un escalier escamotable à hauteur réglable, donnent accès au hall de l’entrée d’honneur.
Cette voiture porte sur ses flancs l’écusson couleur amarante de la famille royale belge, ainsi qu’une couronne en métal argenté sur chaque porte.
D’un côté, le hall ouvre sur le grand salon. Celui-ci, meublé de fauteuils, prend toute la largeur de la voiture et est entouré de très larges fenêtres. À côté du grand salon ont été aménagés trois compartiments équipés d’une couchette et d’un cabinet de toilette. L’autre côté du hall conduit au cabinet particulier du roi.
La décoration intérieure fait beaucoup appel à l’acajou ainsi qu’à d’autres essences exotiques. Le cabinet particulier est habillé de panneaux en noyer et de tissus de lin. Une tapisserie représentant une chasse au cerf, signée Victor Stuyvaert, décore le panneau de fond du grand salon.



La voiture salle à manger, 1939
Cette voiture comprend une grande et une petite salle à manger, une cuisine avec office, trois compartiments équipés d’une couchette ainsi que d’un cabinet de toilette. La grande salle à manger, qui occupe toute la largeur de la voiture, peut accueillir douze convives. Elle est ornée de part et d’autre de panneaux en bois tropical.
Les motifs stylisés représentent un bois avec une antilope, des oiseaux et des plantes tropicales. Les tentures sont en velours et soie de teinte brune. Les deux tables de la grande salle à manger sont marquetées en noyer du Caucase et les fauteuils sont recouverts de peau de porc beige. Dans la petite salle à manger, pour quatre personnes, deux niches sont recouvertes de cuir doré. L’une de ces alcôves accueille une lampe à pied en cristal.



DES TRAINS POUR NOS ROIS

L'histoire des trains royaux en Belgique commence en 1836, un an à peine après l’inauguration de la ligne Bruxelles-Malines. Léopold 1er est le premier chef d’État au monde à disposer d’une voiture qui lui est spécialement dédiée.

Au fil des progrès techniques, les voitures royales deviennent plus grandes et plus confortables. La fabrication de ce matériel roulant de luxe est confiée la plupart du temps à des constructeurs belges. Mais Léopold II profite de ses relations étroites avec la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, dirigée par le Belge Georges Nagelmackers, pour commander à cette société, qui révolutionne les voyages internationaux, des voitures au confort inégalé.

La plupart du temps, le roi dispose de son propre train, composé de voitures-salon, restaurant et couchettes pour sa famille et lui ainsi que des voitures mises à la disposition de sa suite.

Avec le temps, les anciens engins en bois sont remplacés par des voitures métalliques, plus robustes et plus sûres. Trois nouvelles voitures sont ainsi construites en 1939. Ce train royal subira également des dommages lors de la Seconde Guerre mondiale.

Après la guerre, le régent Charles et le roi Baudouin utilisent ce train pour de nombreux voyages officiels et privés. Il sera utilisé pour la dernière fois en 1976 à l’occasion de la visite d’État de la reine du Danemark. Après cinq décennies de bons et loyaux services, le train inauguré par Léopold III est définitivement mis hors d’usage en 1991.

Depuis lors, la famille royale belge, comme dans de nombreux autres pays, se déplace à bord de voitures de 1ère classe classique arborant, pour l’occasion, les armoiries royales.



GARES ET SALONS ROYAUX
Au début des chemins de fer, les gares n’existent pas encore vraiment. Très vite, de véritables gares apparaissent. Lors de ses déplacements, le roi, souvent accompagné de sa famille, y fait escale ou s’y arrête. Pour faciliter leurs voyages en train ou la réception d’invités de marque, plusieurs projets de gares, de haltes et de salons royaux voient le jour.

Sous le règne de Léopold Ier, les premières stations pourvues de salons d’accueil destinés au roi apparaissent. La famille royale utilise surtout la gare de Bruxelles-Nord pour prendre le train ou recevoir ses hôtes car celle-ci est proche de la résidence royale de Laeken. La gare est alors dotée d’un salon royal.

D’autres salons royaux seront construits dans les gares de Verviers, Liège-Guillemins, Spa, Bruxelles-Midi, Ostende... De par sa connexion maritime directe avec l’Angleterre, Ostende accueille de nombreux voyageurs en partance ou en provenance d’Angleterre. Parmi ceux-ci figurent très souvent des têtes couronnées. Afin de recevoir ces personnalités avec les égards dûs à leur rang, la gare d’Ostende est dotée d’un salon royal.

Léopold II fait construire la halte royale de Laeken. Cette halte sera très fréquemment utilisée par les rois Léopold II, Albert Ier et Léopold III. Cette gare est utilisée pour la dernière fois en 2001 lorsque le roi Albert II et la reine Paola y prennent le train à l’occasion des 75 ans de la SNCB.

Plusieurs projets seront étudiés pour ériger une gare plus vaste dans le parc du château, mais ceux-ci resteront inaboutis. La halte de Houyet, visant à desservir le domaine royal d’Ardenne et le château de Ciergnon, fait elle partie des projets qui virent le jour sous Léopold II.

Au cours du XIXe siècle, les projets de construction d’une gare à côté du Palais royal situé au centre de Bruxelles foisonnent mais resteront inachevés. Tout comme l’ambitieux projet de création d’une gare sous le château de Laeken.

Dans le cadre des travaux de la Jonction Nord-Midi de Bruxelles, les autorités ferroviaires prévoient la construction de salons royaux dans les trois principales gares de cette nouvelle liaison. De ces trois salons royaux ne subsiste que celui installé dans la gare de Bruxelles-Central dessinée par Victor Horta et Maxime Brunfaut, dont le mobilier, recouvert de cuir, a été réalisé par le maroquinier Delvaux. Une partie du mobilier de ce salon est exposé à Train World dans le cadre de cette exposition. De nos jours, seule la gare de Bruxelles-Midi met toujours à disposition des souverains et personnalités de haut rang des salons VIP, gérés par un service protocolaire.